Les usineurs se forment à Romorantin.

Début 2023, le GIR, l’IFCA, les collectivités locales et les partenaires sociaux ont officiellement lancé une formation d’usineurs à Romorantin-Lanthenay. Ce DEFI accueille 11 demandeurs d’emploi qui vont se former en alternance pendant 6 mois. Avec à la clé un diplôme et un emploi. Vincent ROUEL, formateur pour l’IFCA, revient sur certains clichés qui collent aux métiers de l’usinage.

Difficile de recruter.

Mardi 31 janvier. C’est l’effervescence à la Maison de l’Emploi de Romorantin. Les entreprises, les collectivités et les acteurs sociaux vont acter leurs engagements réciproques sur la formation DEFI*. C’est une étape importante pour le dynamisme territorial et les besoins en recrutement sur un marché de l’emploi industriel en tension.

Les entreprises proposent pourtant des métiers qui ont du sens, valorisants et porteurs, dans des filières à la pointe comme l’Aéronautique, la Défense ou le Médical. Mais ce sont des carrières qui sont aujourd’hui bien méconnues, et où les recruteurs doivent réinventer leurs approches afin d’attirer la perle rare. Le 16 décembre dernier, dans le quotidien La Nouvelle République, Anna Le PIERRES, directrice de l’IFCA, confirme : « On a formé beaucoup d’usineurs il y a 5 ans, et on a arrêté. Or, en Industrie, on a des besoins, car les postes demandent des compétences. Et la pyramide des âges est élevée. »

Une formation usinage créée en 4 mois.

Retour en octobre 2022. En Loir-et-Cher, les entreprises de mécanique de Romorantin et Salbris cherchent des usineurs. Une quinzaine de postes sont à pourvoir. Cependant, même si des CV’s arrivent sur les bureaux des DRH, les profils qualifiés manquent. Face à ce constat récurrent, il faut procéder différemment.

Oui, l’Industrie recrute. Oui, les candidats manquent. Le refrain est connu. Et maintenant, que fait-on ?

Avec le GIR, 7 entreprises, le Pôle Emploi, la Mission Locale, la CCRM*, l’IFCA et la Région Centre Val-de-Loire se réunissent. Si les profils qualifiés se font rares, plutôt que de chercher un hypothétique usineur expérimenté disponible, il nous faut raisonner autrement. Les centres de formation et lycées locaux ne peuvent subvenir à eux seuls aux besoins actuels et futurs de nos entreprises. Il nous faut donc mettre en place une solution complémentaire afin de soutenir l‘activité industrielle qui se profile. Et cette solution passe par la mise en place de la formation DEFI.

Ainsi, pendant 6 mois, sous forme d’alternance, 11 personnes vont apprendre le métier d’Opérateur régleur sur Commande Numérique. La formation diplômante sera dispensée par l’IFCA sur un plateau technique spécialement aménagé dans la Maison de l’Emploi de Romorantin. Quant aux 7 entreprises, elles s’engagent à accueillir en alternance ces volontaires, et à embaucher ces derniers à l’issue de la validation de leur formation.

Pour les 11 apprenants, ils ont l’assurance d’un emploi après une formation qualifiante donnant accès à un CQPM. Une formation d’ailleurs sereine, puisque Pôle Emploi, avec le soutien de la Région, continuera à les indemniser.

En novembre, tout est donc réglé. Le contenu de la formation et les formateurs, les entreprises tutélaires, l’atelier, l’appui financier et les emplois à la clé. Tout ? Non, car il faut maintenant constituer notre promo de 11 volontaires.

La formation débute début 2023. Entre décembre et janvier, trois réunions d’information collectives réunissent 45 personnes. Les entretiens individuels tenus dans la foulée permettent d’approfondir les motivations et de sélectionner les candidats. Enfin, près de 4 mois après son lancement, le projet DEFI opérateur-régleur se concrétise le mercredi 25 janvier 2023, avec l’arrivée en salle de classe de 11 personnes, 9 hommes et 2 femmes.

L’obstination positive d’un collectif.

Ce 31 janvier, c’est donc devenu officiel, Michel GUIMONET, élu à la CCRM**, 4e adjoint à Romorantin en charge de l’emploi, la formation, l’économie et du numérique, Veronique GOSSELIN, Directrice adjointe de l’IFCA FORMATIONS, Cécile CAILLOU-ROBERT, Conseillère Régionale, Frédéric GROSJEAN, responsable du Pôle Emploi local et Stéphane SAMSON, animateur du GIR, ont signé la convention scellant leurs partenariats dans la mise en place de ce dispositif de retour à l’emploi. Côté entreprises, ce sont ADECCO, MECANIQUE DE SOLOGNE, AUREMA, SKV USINAGE, CM3D, MECASUP et G2 MECA-CONCEPT qui s’engagent dans ce dispositif et auprès des apprenants.

Dorénavant, les usineurs se forment à Romorantin. Pour tous, cette officialisation est une victoire. Elle montre la résilience et l’obstination positive d’un collectif face à un marché de l’emploi difficile, ou les opérateurs-régleurs sont très courtisés. Néanmoins, le chemin est encore long. Combien, sur ces 11 volontaires, iront au terme de ce cursus et valideront ce sésame vers une nouvelle vie professionnelle ? On ne devient pas un bon usineur en 6 mois. La quête de l’excellence se compte ici en années. Cependant, ce DEFI fait naître un espoir. Il permet à chaque protagoniste d’avoir un temps pour entériner son choix. Pour l’un, 6 mois pour accompagner son futur collaborateur. Pour l’autre, 6 mois pour changer de vie.

Michel GUIMONET, Cécile CAILLOU-ROBERT et Stephane SAMSON paraphent les conventions DEFI à la MDE le 31 janvier 2023.

Le GIR et les entreprises signataires du DEFI (de gauche à droite) : Stephane SAMSON (GIR), Pierre-Jean BROCHAND (MECASUP), Peggy DUPAIN (ADECCO), Gérald GOUVEIA (AUREMA), Alain DUDDEFENT (G2 MECA CONCEPT), Patrice RETHORET (CM3D), Guillaume PELLERIN (GROUPE AMDS), Olivier NICOLLE (SKV USINAGE).

Vincent ROUEL est le formateur de l’IFCA pour cette formation DEFI. Doté d’une grande expérience dans l’Industrie, notamment dans l’Aéronautique et la mécanique de précision, il est formateur depuis plus de 4 ans pour les techniques industrielles et les CACES. Pour le GIR, il tord le cou à certains aprioris.

6 mois, c’est un peu court pour être usineur.

Vincent ROUEL : Oui, on ne peut pas dire que l’on est usineur après 6 mois. Un bon usineur doit compter au moins 5 années d’expérience. Toutefois, la formation DEFI prépare aux bases du métier. Ensuite, l’entreprise forme et façonne le candidat à son image. L’opportunité du DEFI, pour un dirigeant, c’est de faire qu’avec une personne « vierge de savoir » mais qui connait les bases du métier, il le façonne selon ses attentes. Avec le DEFI, on forme les gens à un métier, avec beaucoup de temps en entreprise. Cela leur permet d’acquérir de l’expérience pratique, en complément de nos cours sur notre plateau technique. Le DEFI, c’est une formation, un emploi.

Dans ce groupe qui a commencé la formation le 25 janvier, le plus jeune à 18 ans, le plus âgé 57.

Il n’y a pas d’âge pour apprendre. En plus nous sommes en pleine réforme des retraites. Les personnes plus âgées ont plus d’expérience, de vécu dans le milieu professionnel. Dans les métiers, on a des compétences transversales, qui peuvent être complémentaires au métier d’usineur.

Justement, l’âge peut freiner le recrutement d’une entreprise ?

Cela peut arriver quand la personne est proche de la retraite. Encore une fois, il faut compter au moins 5 ans pour être un bon professionnel de l’usinage. Forcément, l’employeur prend cela en compte.

Et il y’a 2 femmes dans la promo.

Oui, c’est très bien. Heureusement que de plus en plus de femmes postulent. Et les employeurs en sont très friands, car elles sont minutieuses. Elles sont attentives à sortir des pièces propres et belles.

Quel est votre meilleur souvenir de formateur ?

C’était lors d’une formation à Blois, lorsque j’ai débuté. Je me rappelle d’un jeune de 26 ou 27 ans. Il était atteint de dyslexie. J’ai dû revoir toute mon approche pédagogique. Je devais d’abord partir du résultat final, puis revenir sur chaque étape de production. J’ai beaucoup appris à son contact, pour faire comprendre les choses. Il a trouvé un poste et il s’épanouit. Il m’a beaucoup fait évoluer dans mon métier de formateur.